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Préserver la ressource dans la durée : quelle maîtrise sur les flux ?
La « croissance verte » résout-elle, ou au contraire pose-t-elle avec une nouvelle acuité, la question de la pression sur les ressources de la planète ? Si on peut considérer que ce débat général reste ouvert, pour ce qui est de la forêt, une large prise de conscience a émergé selon laquelle la ressource bois, si elle est renouvelable, n’est pas pour autant inépuisable.
En particulier, l’essor continu du débouché bois-énergie s’accompagne d’effets d’aubaine, liés aux incitations financières à la production d’« électricité verte », qui peuvent conduire à une véritable « frénésie extractiviste ». Par ailleurs, toute filière économique court le risque de voir à terme son activité se subordonner de façon excessive aux intérêts (objectifs de rémunération etc) de certains de ses acteurs, notamment les acteurs intermédiaires. Or le symptôme le plus classique de ce genre de dérive est une tendance plus ou moins avouée à « pousser à la consommation ».
Ainsi une filière forêt-bois mature et responsable ne peut faire l’économie d’un
questionnement sur la pertinence de ses prélèvements de ressource au regard des finalités ultimes de son activité, et du caractère soutenable (angl. « sustainable ») de ses modes opératoires non seulement à court/moyen terme au niveau local, mais aussi dans ses répercussions au niveau global et dans la durée.
A l’échelle des Cévennes, comment faire advenir ce genre de questionnement ? Et comment en faire l’amorce d’un débat ouvert, honnête, et conduisant à des réponses convaincantes ? Car si les discours sont marqués par une surenchère constante à la vertu économique et écologique, la réalité n’est pas exempte de scénarios caractérisés par l’absence de pertinence économique globale, le gaspillage des ressources, les dégâts environnementaux, et très souvent tout cela à la fois.
Concrètement, pour en rester aux Cévennes et à l’exploitation forestière, comment peser collectivement pour éviter que des activités économiques non consensuelles s’abritent derrière le paravent de la confidentialité commerciale ?
Comment encadrer l’exploitation forestière, rendre visible les plans d’approvisionnement, rendre traçables les flux de bois pour que le public soit à même de juger de la pertinence globale de l’activité ?
Comment instaurer un cadre lisible, crédible et concerté pour gérer l’équilibre offre-demande au niveau territorial ?
Quels leviers, quel pouvoir de contrainte donner à ce cadre pour, par exemple, garantir le renouvellement de la ressource dans la durée ?
Comment, au sein de ce cadre, articuler la sphère technico-administrative et celle des décideurs locaux ?
Comment agréger les objectifs de l’ensemble des acteurs sur le terrain, à commencer par la myriade de propriétaires individuels qui décident soit de couper, soit de planter ?
Comment, dans un tel cadre, donner priorité aux utilisations locales, imposer l’utilisation du bois-énergie en cogénération, ou encore limiter les exportations de bois d’oeuvre brut, ainsi que l’ont récemment proposé deux sénateurs (rapport Houpert & Botrel, mars 2015) ?
Comment enfin faire évoluer les éco-labels forêt-bois vers une meilleure adéquation avec les attentes du public en matière d’éthique environnementale et commerciale ?